Mon corps, mon choix.

Cette semaine, tranquillou, je jette un œil aux actus. Et là, j'ai eu comme un instant d'hésitation. Avais-je fait un bond au Moyen-Age ? s'agissait-il d'une blague de mauvais goût ? De fake news ?
Non, la réalité était pire : ce que je lisais était bien vrai.

A ma droite, nous avons l'Alabama qui interdit l'avortement. A ma gauche, la Géorgie qui poursuivra en justice toutes les femmes ayant fait une fausse couche, histoire de s'assurer qu'elles ne l'ont pas fait exprès.



Pendant longtemps, j'ai pris à tort les pro-life pour un groupuscule d'illuminés sans influence. Grave erreur. Ils sont dangereux ; leur nom est une escroquerie car ils n'ont aucun respect de la personne humaine.

Revenons sur la Géorgie. La fausse couche est généralement un traumatisme. Histoire de soutenir la femme qui en est victime, on va l'envoyer au tribunal. Sérieusement. Oui oui.  Bon si elle n'a rien fait tout ira bien. En revanche, je n'imagine même pas si la veille elle a fait du sport, sorti les poubelles, glissé dans les escaliers ou si elle a été bosser.
Et d'abord, comment donc on va juger de son niveau d'implication dans la fausse couche ? "Alors  vous avez marché 5 km parce que votre voiture est tombée en panne ? Ah ben fallait utiliser votre téléphone. Vous étiez en zone blanche ou votre batterie était à plat ? Vous avez été négligente et pis c'est tout ! zou, en prison, mécréante !"
Et quid de celle qui a pu dire à un moment qu'elle aurait préféré ne pas être enceinte ? Bam, préméditation. C'est pas comme si c'était un truc qui traversait la tête d'une immense majorité des femmes enceintes hein, entre 3 nausées et 2 sciatiques. Hé les copines, soyez prudentes, ne faites surtout pas part de vos doutes existentiels à vos proches, ça pourrait se retourner contre vous !

Et puis après tout, même si les médecins disent que la fausse couche est naturelle et indépendante de la volonté de la femme, on s'en fout, c'est au final la moralité qui sera jugée. Celle de la femme, pas celle du père hein, faut pas déconner non plus.
D'ailleurs, j'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé de paragraphe évoquant la fausse couche survenant suite à la violence du conjoint. La femme ira-t-elle au tribunal pour qu'on s'assure qu'elle n'a pas cherché à être battue suffisamment fort pour perdre son bébé ?

Quant à l'Alabama... Sweet home Alabama, ça n'est vraiment que dans le chanson !
Comment, mais comment peut-on revenir sur un droit aussi fondamental ? Revenir à l'époque des cintres et des aiguilles à tricoter ? dans une société dite évoluée et qui prétend imposer son mode de vie au reste du monde ?
Un médecin qui pratiquera un avortement risque jusqu'à 99 ans de prison. Il sera plus sévèrement puni que le violeur à l'origine de la situation (surtout si le médecin est noir et le violeur blanc, mais c'est un détail).
On va donc expliquer à une jeune fille victime de viol (incestueux ou pas), qu'elle va poursuivre sa grossesse. Les législateurs sont quand même magnanimes, s'il y a un risque pour la vie de la future femme, on va y réfléchir un peu. Oui oui, une grossesse peut être dangereuse, mais passons.

Oui bon, interdire l'avortement, c'est pas très grave hein, la femme peut toujours abandonner son enfant à la naissance. C'est pas comme si c'était traumatisant pour la mère et l'enfant, et puis ça fera le bonheur de parents adoptants. Et s'il n'y a pas d'adoption, l'enfant ira de foyer en foyer, ça lui donnera le goût des voyages. Le rêve américain quoi.

Non non, y'a pas, un petit machin de quelques millimètres est bien plus important que la vie d'êtres humains déjà nés.

En creusant un peu, j'ai découvert que l'Alabama fait aussi partie de ces merveilleux états où la seule position sexuelle autorisée est le missionnaire. Un état progressiste quoi, la douceur du sud, les respect des libertés individuelles et des droits de l'Homme, l'égalité de tous, tout ça...

Interdire l'avortement. Voilà qui dépasse l'entendement.
Je n'ai jamais été confrontée à ce choix, mais si cela devait arriver (bah oui, la ménopause n'a pas encore frappé ), je n'aimerai pas que d'autres décident à ma place. Je connais - comme tout le monde - des femmes qui ont réfléchi à ce choix : certaines ont avorté, d'autres non. Mais toutes se souviennent de la réflexion qu'elles ont menée.
Car non, l'avortement n'est pas confondu avec une méthode contraceptive. Sauf à de rares exceptions, mais là, les médecins se doivent d'orienter les personnes concernées vers une aide psychologique.
Non, ce n'est pas de gaieté de cœur qu'une femme va subir un avortement, entre le repassage et la réunion de 14H00.
Non, ce n'est pas un acte anodin.
Non, l'avortement n'est pas un meurtre. En revanche, à mon sens, envoyer en prison un médecin qui l'aura pratiqué est un crime.

Mais de quel droit va-t-on obliger une femme violée à garder un enfant qui lui rappellera constamment l'acte odieux dont elle a été victime ? alors oui, il y a des femmes enceintes suite à un viol qui choisissent de garder l'enfant et qui l'aiment plus que tout au monde. Qui CHOISISSENT. Mais ce n'est pas le cas de toutes, et l'avortement peut aussi être une façon de se reconstruire après la barbarie.
De quel droit va-t-on obliger une femme dont la contraception a été défaillante à garder un enfant dont elle ne veut pas ?
De quel droit va-t-on faire porter sur la femme seule la responsabilité d'un préservatif rompu au cours d'un coup d'un soir ?
De quel droit va-t-on obliger une jeune fille à mener une grossesse à terme, quitte à interrompre ou abandonner ses études ?
De quel droit va-t-on obliger une famille à avoir un bébé qu'elle n'aura pas les moyens d'élever correctement ?
De quel droit va-t-on décider pour les femmes ? Une femme n'est-elle pas suffisamment intelligente pour choisir elle-même ce qui sera le mieux pour elle et son éventuel enfant ?

Je ne sais pas ce qui est le pire... que ce soit des hommes qui décident de cette loi qui ne les concerne pas (si vous voulez voir leur trombine pour jouer aux fléchettes dessus, c'est ici : article terrafemina) ou que ce soit une femme qui la promulgue... Kay Ivey ressemble à une brave grand-mère, mais en réalité elle est du genre des avocates dont je parlais dans cet article.
Ou alors je n'ai rien compris, et elle veut juste soutenir l'emploi aux Etats-Unis : gardien de prison, ça va recruter !

Ouai ouai, ces bien-pensants moralisateurs sont pro-life, mais aussi pro-peine de mort. Y'a pas un léger hiatus là ? ça ne les gène pas un peu aux entournures ?

J'ai parlé de l'Alabama et de la Géorgie, mais je pourrai aussi évoquer le Missouri et bien d'autres... Outre Atlantique, une douzaine d'états sur 50 reculent sur la législation relative à l'avortement. Et cela, ce n'est pour parler que des Etats-Unis.
Simone Veil le disait, nous devons rester vigilants en permanence, et ne pas prendre pour définitifs les droits durement acquis. Les droits sociaux en général, et ceux des femmes en particulier, sont constamment remis en question.  Notre libre-arbitre, notre capacité, nos compétences doivent systématiquement être prouvés.
Ouhou, faudrait se réveiller là, nous ne sommes pas que des utérus à pattes !
Nous ne sommes pas destinées à faire des enfants et veiller au bien-être des hommes. Nous ne devrions d'ailleurs pas être destinées à quoi que ce soit, si ce n'est à effectuer nos propres choix, en toute indépendance.

Nos sociétés occidentales régressent, et certains aimeraient revenir à des "modèles" de fonctionnement qui ont fait la preuve de leur dangerosité par le passé, pas si lointain d'ailleurs.
Tiens au fait, dans quelques jours, il y a des élections en Europe. Déplacez-vous aux urnes, et faites le bon choix...


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