Je m'appelle Alzheimer, et je vais pourrir vos vies.

Je suis célèbre. Vous avez tous entendu parlé de moi. On me nomme la maladie d'Alzheimer.




Je suis un fléau, un truc auquel ni vous, ni vos proches n'êtes préparés. Parce que vous avez entendu mon nom, vous croyez que vous savez ce que je suis. Mais pas du tout en fait ! ce n'est qu'une fois que je me serai attaqué à vous ou votre entourage que vous allez prendre conscience de ma puissance.

Je suis une calamité . Je vais grignoter petit à petit l'essence de ma victime, je vais lui faire oublier jusqu'au visage de ses enfants, je vais ruiner son image. Je suis un petit malin, je n'agis pas d'un seul coup, je suis insidieux.
Je vais commencer tout doucement, et tout le monde trouvera un tas de raison pour expliquer les légers changements chez ma victime : fatigue, stress, deuil, âge... Quand vous réaliserez que c'est moi qui tire les manettes, j'aurai déjà fait plein de dégâts.

Je suis vicieux. Je pourris la vie de tout le monde : celle du malade, celle de ses proches. Les proches vont devenir aidants, ils vont s'épuiser à tenter de maintenir un semblant de normalité au malade. Ils vont encaisser ses oublis, ses lubies, ses ronchonneries ou son agressivité. Ils vont devoir s'habituer à ce que le malade ne soit plus que l'enveloppe de ce qu'il a été. Et puis, dans mon vice profond, de temps en temps, je laisse un petit répit au malade. Et là, ceux qui l'aiment vont croire le retrouver... mais non, ce n'est que transitoire, et une heure ou un jour après, j'aurai refermé le rideau sur cette embellie passagère.

Je suis horrible. Je me délecte des angoisses et des larmes que je fais naitre autour de mes victimes. Je ruine le sommeil de leurs proches, je grignote leur volonté. Je fais naitre la culpabilité : quoi qu'ils fassent, ils auront toujours le sentiment de ne pas en faire assez. Et que dire lorsqu'ils décident de placer le malade dans une maison adaptée ? Ah, là, pour moi, c'est l'apothéose ! Ils vont se ronger, se demandant sans cesse s'ils ont fait le bon choix, s'ils n'auraient pas pu agir autrement. Quand ils travaillent, ils sont parfois amenés à cesser leur activité pour accompagner le malade. S'ensuivent alors les difficultés financières. Ou alors, ils sont contraints de solliciter sans cesse des congés à leur employeur, à des dates qui, bien sûr, ne tombent jamais au bon moment. Ils vont réduire le temps passé avec leurs enfants, conjoints, amis, et leur capital vacances sera englouti pour quelque chose qui ne leur apporte que de la tristesse, et à chaque fois qu'ils laisseront le malade, ils laisseront un bout de leur cœur.

Je suis inéluctable. Même lorsque je suis repéré, rien ne peut m'empêcher de progresser. Tout le monde connait l'évolution que je vais entrainer, et les choses ne s'amélioreront jamais. Vous aurez peur à l'avance, vous redouterez la prochaine étape, vous saurez que cela va arriver, mais vous ne pourrez pas l'éviter. Les statistiques disent que je dure de 08 à 12 ans, mais mon empreinte et mon souvenir vous hanteront toute votre vie.

J'ai des ennemis. Des salopards qui s'acharnent à trouver des moyens de me contrer : France Alzheimer, la Fondation Alzheimer, l'institut Pasteur... Il parait qu'ils ont fait des avancées et qu'ils ont de l'espoir. J'ai une bonne avance, mais je crois que je vais perdre du terrain s'ils continuent leurs recherches. Peut-être qu'un jour ils me terrasseront.

Je reconnais un échec. Même si je les torture, les aidants tiennent bon. Parfois même, ils en ressortent grandis, malgré tout. Si je n’aimais pas tant les torturer, je pourrais les admirer. Car ce qui les poussent à s’accrocher, ce qui leur permet de résister, ce qui les porte, c'est l'amour qu'ils ont pour le malade.
Et qui que l'on soit (moi ou mes potes Parkinson, démence et tous les autres), même si on emmène ceux qui comptent pour vous, on ne peut rien face à l'affection que vous leur portez. J'ai trouvé mille et une façon de vous détruire, mais je n'ai jamais réussi à effacer votre amour.


Commentaires

  1. Excellent texte au contenu riche et juste: certainement éclairant et aidant pour les proches aidants de personnes atteintes d'Alzheimer ou de trouble neuro-cognitifs. La conclusion est puissante et encourageante pour ceux qui prennent soin de ces personnes malades.

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  2. Bonjour! Pourriez-vous me laisser un courriel par lequel je pourrais vous joindre? Merci!

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    1. Bonjour,
      Le plus simple est de melaisser un message via facebook (Gustavine Ernestine).
      Bien cordialement

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