Bouh, les vilains EHPAD !

 Ah voilà, ça faisait longtemps tiens ! je suis énervée ! Pourquoi ? A cause de tous ces gens qui condamnent aveuglément les EHPAD et ceux qui y placent leurs proches, sans voir plus loin que le petit bout de la lorgnette, elle-même pointée sur leur nombril insignifiant.
 
 
la vie est un chemin...
 
Soyons clairs ! il est EVIDENT que certains EHPAD font subir un traitement inhumain et dégradant à leurs pensionnaires. C'est inadmissible et inacceptable, mais faudrait peut-être arrêter de jeter le bébé avec l'eau du bain... car oui, il y a des EHPAD où les résidents sont très bien traités.
 
Mais revenons au départ... mon coup de gueule fait suite à des commentaires que j'ai eu la bêtise de lire, sous de "beaux" articles vantant les mérites des colocations pour les séniors, en titrant "oubliez les EHPAD" et qui présentent ces solutions alternatives comme la panacée absolue, la réponse ultime à la difficulté du grand âge.
Ces colocations, de même que des solutions de logements à l'étage de la maison des enfants ou dans le jardin de la famille, ont plein d'avantages, à commencer par celui de tourner le dos à la solitude. C'est très très très bien. Sauf que cela n'est viable que si la personne n'est pas dépendante.
Que se passe-t-il lorsque la personne ne sait plus manger seule, s'habiller seule, se laver seule, aller aux toilettes seule ? quand la personne adopte un comportement dangereux pour elle et pour les autres ? quand elle souffre de crises d'angoisse ou de paranoïa ? ou simplement quand elle tombe à répétition ?
 
Et bien oui, chers êtres pétris de certitudes, il y a des situations où l'EHPAD est la seule solution. A moins d'arrêter de travailler et d'être auprès de la personne en permanence, 24 heures sur 24, du lundi au dimanche, du 1er janvier au 31 décembre, sans aucune pause. Certains le font, je les admire. Ce n'est pas possible pour tout le monde : financièrement, socialement mais aussi mentalement.
C'est usant d'être auprès d'une personne qui n'a plus sa tête, comme on le dit pudiquement. Et parfois cela conduit à se mettre soi-même en danger. Tout le monde sera d'accord (j'espère !) pour dire que si l'aidant craque, ça ne va pas être foufou pour l'aidé.
 
Non, placer un proche dépendant dans un EHPAD n'est pas un truc joyeux.  C'est déjà bien assez culpabilisant, alors inutile d'en rajouter avec des idées préconçues toutes plus stupides les unes que les autres.
Non, on ne se débarrasse pas d'un proche devenu encombrant à l'EHPAD. Inutile d'accabler encore plus les familles qui le font.

Venons-en à présent aux EHPAD en eux-mêmes. Sont-ils trop chers ? oui, absolument. Mais je ne suis pas certaine qu'il existe des solutions moins coûteuses...
Je ne reviendrai pas sur les faits de maltraitance dénoncés depuis un an. A cet égard, je ne peux que remercier l'auteur des Fossoyeurs pour avoir jeter un énorme pavé dans la mare, et d'avoir enfin placé en pleine lumière le traitement inadmissible auquel certains de nos aînés sont soumis.

Mais faut arrêter de les généraliser ! je vais parler de mon expérience personnelle. Je précise également que je suis depuis quelques années sur un groupe de soutien de proches de malades d'Alzheimer, et on y trouve des tas de témoignages, des EHPAD les plus pourris à ceux qui, nombreux, oeuvrent pour le bien-être de leurs résidents.

J'ai dû placer mon papa. A contre-coeur, certes, mais je n'avais plus le choix (cf ici). Il est entré dans son EHPAD -faisant partie d'un grand groupe- au moment où "le" scandale a explosé.  Trois points principaux ressortaient des reproches :
- la propreté
- l'alimentation
- les mauvais traitements.
Lorsqu'on me les renvoyait à la figure, je répondais que je ne remarquais rien d’anormal. Et là, on me rétorquait : "Ben, oui, mais ils savent quand tu viens... !".

Et bien non, "ils" ne savaient pas quand je venais. Les visites étaient totalement libres, et il était inutile de prévenir à l'avance. J'ai toujours trouvé mon papa propre.
Sur l’alimentation, je n'ai pas constaté de perte de poids gravissime et rapide. Oui, mon papa a maigri, mais cela était lié à l'avancée de la maladie.
Quant aux mauvais traitements... jamais mon papa n'a eu de mouvements de recul à l'approche des personnels, bien au contraire.
J'ai trouvé des personnels -de la direction aux aides-soignants, en passant par les administratifs, les infirmiers, la lingère...- à l’écoute, tant des résidents que des familles.
Mon papa était en unité protégée. Malgré cela, il a bénéficié d'activités quotidiennes et de sorties ( en bord de Seine, à la ferme pédagogique, dans les jardins...). Il était bien, et bien traité.

Quant à sa fin de vie... jamais il n'aurait pu bénéficié de ce qui a été émis en place autour de lui s'il avait été dans sa maison.
Le médecin coordonnateur m'a appelée le mardi soir. Avec des mots choisis, délicats et respectueux, elle m'a expliqué que mon papa s'éteignait. Elle m'a rassurée quant au fait que je pouvais venir à n'importe quelle heure. Je l'ai donc rejoint. Il était sous perfusion, pour hydrater un peu son pauvre corps.
Lorsque je suis revenue le mercredi matin, un espace snoezelen avait été installé dans sa chambre (si vous ne savez pas ce que c'est, explications ici) Cela a créé une atmosphère très paisible, tranquillisante, comme un cocon douillet juste pour lui et moi. La psychologue venait régulièrement, autant pour lui que pour moi. 
Le jeudi, il n'avait plus la perfusion, elle ne servait plus à rien. En revanche, il a reçu tous les médicaments nécessaires pour ne pas souffrir, ni dans sa chair ni dans son âme. Le personnel m'a proposé de passer la nuit auprès de mon papa, j'ai bien sûr accepté. Tous se sont alors démenés pour me trouver un fauteuil inclinable, pour l'installer afin que je puisse être confortablement équipée durant ces heures douloureuses.
Le vendredi, les personnels qui quittaient le service sont venus saluer mon papa, avec à chaque fois des mots très gentils et réconfortants pour moi. On m'a dit, avec encore beaucoup de douceur, que je ne reverrai probablement plus son regard. Et puis, dans la nuit, son souffle s'est tari. Il est parti doucement, sa main dans la mienne.
Il était environ 2H30 du matin, et la personne qui était de service à l'étage a été juste formidable. Bien sûr, elle a appelé des collègues pour faire "le nécessaire", mais seulement après m'avoir serré dans ses bras lorsque je me suis effondrée. Elle m'a laissé tout le temps dont j'avais besoin. Lorsque mon conjoint m'a rejoint, le personnel a pris le temps de répondre à toutes nos questions, alors qu'on était au beau milieu de la nuit.
Ensuite, nous avons fait le choix de vider sa chambre très rapidement, mais personne ne nous a mis la pression. Enfin, l'EHPAD a fait livrer une gerbe de fleurs lors des obsèques.
Durant toute cette semaine, chaque jour, il était rasé et lavé, même si ses heures étaient comptées.

Alors, inhumains les EHPAD ? sûrement pas ! j'ai découvert au cours de l'année écoulée, un lieu en fait plein de vie. Certes, il est difficile, surtout en unité protégée, d'être confronté aux dégâts de la maladie sur le grand âge. Mais nos anciens ne sont pas délaissés et abandonnés dans un coin. Ils ne sont pas considérés uniquement à l'aune de leur compte en banque. Même complètement partis dans les affres d'Alzheimer et ses potes, ils sont considérés pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des personnes à part entière.

Je dis d'ailleurs un immense BRAVO à tous ceux qui travaillent avec eux. Leur boulot est ingrat et mal reconnu, mais leur dévouement est immense.
 
Est-ce que tout est parfait en EHPAD ? non, bien sûr que non, mais ce ne sont pas non plus des mouroirs infâmes.

En crachant sur l'ensemble des EHPAD, ce sont tous ces anonymes dévoués que l'on insulte. Ce sont toutes ces familles dans le désarroi que l'on enfonce un peu plus. C'est nier la nécessité des structures d'accueil pour les personnes âgées. Cest conduire à penser que les EHPAD sont inutiles. C'est aussi se voiler la face sur la réalité, à savoir qu'on ne vieillit pas tous de la même façon, en bonne santé physique et mentale.

Alors, encore une fois, par pitié...avant de parler sans savoir, de critiquer sans connaitre... REFLECHISSEZ !!!

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